C'est une autre paire de manchesens : C'est une autre affaire.
Au
Moyen Âge, les manches des vêtements n'étaient pas cousues de manière
définitive, mais simplement ajustées au dernier moment. Les dames
pouvaient, en signe d'attachement, remettre leur manche à leur chevalier
qui l'arborait alors à sa lance ou à son écu lors des tournois.
Ce gage amoureux est devenu symbole d'engagement au point qu'on en ait oublié son origine aristocratique et galante.
ChampionA l'origine, un chevalier se battait en champ clos pour défendre une cause.
La
justice du Moyen Âge admettait l'épreuve des armes. L'accusé pouvait
provoquer en duel son accusateur : Dieu faisait triompher l'innocent.
Lorsque l'accusé, malade, trop jeune ou trop vieux, n'était pas en
mesure de se battre lui-même, ou si c'était une femme, il pouvait se
faire représenter par un champion.
Chercher noise à quelqu'unQuereller quelqu'un souvent pour peu de chose.
Noise signifiait jadis : querelle bruyante, dispute.
Aujourd'hui, le mot noise ne subsiste que dans cette expression.
ChevalierA
l'origine, les chevaliers n'étaient que de simples combattants, parfois
mercenaires, assez forts ou assez riches pour avoir un cheval. Leur
prestige était essentiellement militaire.
A partir du XIe siècle, ces
guerriers commencent à constituer une classe sociale, unie par une même
manière de vivre. Pour éviter les guerres continuelles, les abus de
pouvoir et canaliser la violence de ces combattants souvent frustes,
l'Église met en place les règles strictes du code chevaleresque. Le
chevalier, dont les armes ont été bénies, doit obéir à Dieu et à son
devoir, protéger les faibles, aider son prochain...
Convoquer le ban ou l'arrière-ban, publier le banS'adresser
à tous ceux dont on espère l'aide. A l'origine, le ban était une
proclamation du seigneur, une défense ou un ordre. Le suzerain avait le
droit de mobiliser, en cas de besoin, ses hommes mais aussi ceux de ses
vassaux. Il convoquait alors le ban et l'arrière-ban. On publie encore
le ban dans les église pour un mariage.
Une cotte mal tailléeEstimation approximative, compromis qui ne satisfait personne.
La cotte (qui s'écrivit longtemps cote) était au Moyen Âge une tunique qui, si elle était mal taillée, ne convenait à personne.
La
cote est un impôt de la fin du Moyen Âge. Lorsqu'elle était taillée,
elle signifiait établie, répartie entre les contribuables.
Un coup de JarnacSens : Traîtrise, coup bas inattendu.
Lors
d'un duel entre Guy Chabot, comte de Jarnac, et François de Vivonne
favori du roi Henri II, Jarnac entailla inopinément et traîtreusement le
jarret de son adversaire. Le roi pardonna au comte, car celui-ci avait
tout de même préservé la vie de Vivonne. Ce dernier, rageur et honteux,
arracha les bandages protégeant sa blessure et en mourut trois jours
plus tard.
La Cour des MiraclesLa
Cour des Miracles était située dans le quartier des Halles à Paris. Ce
n'est que sous Louis XIV que la police en viendra à bout. Repaire des
brigands, des faux estropiés qui mendiaient dans les rues, elle doit son
nom à la magie qui le soir faisait retrouver aux infirmes l'usage de
leurs membres.
CourtoisLes
chevaliers du Moyen Âge l'étaient ; aimables, polis, raffinés dans leur
parure et leur langage et aussi leurs sentiments. Ils considéraient
leur dame comme une maîtresse toute-puissante dont les désirs étaient
des ordres. Pour lui plaire, ils surmontaient toutes sortes d'épreuves,
physiques et morales, dont la patience n'était pas la moindre.
A l'origine, courtois signifie qui vit à la cour.
Crier haro sur quelqu'unCrier
haro sur quelqu'un signifie manifester énergiquement sa réprobation,
l'accuser et réclamer un châtiment pour la personne en question. "Haro!
Haro!" était le cri que l'on entendait lorsqu'un badaud se faisait
couper sa bourse ou un chevalier arracher son manteau.
Croquer marmotSens moderne : Attendre, faire le poireau en se morfondant.
Sens
ancien : Croquer voulait dire "frapper". Et croquer le marmot
signifiait cogner avec impatience le heurtoir de la porte. Alors cela
n'a rien à voir avec un Ogre qui voudrait manger un petit enfant
(croquer un marmot) où une marmotte qui serait fort difficile à croquer
je l'avoue
Dans son for intérieurLe
forum désignait la place publique. Au Moyen Âge, le mot pris le sens
technique de juridiction et surtout juridiction ecclésiastique (pouvoirs
de l'Église, en matière de justice, et leur étendue.) On distinguait le
for intérieur (l'Église pouvait sanctionner les fautes commises par le
biais de la confession et des pénitences), du for extérieur (toutes les
affaires touchant à la religion, de près ou de loin, étaient jugées par
des tribunaux ecclésiastiques). La distinction changea peu à peu de sens
avec les siècles : for intérieur étant notre conscience qui nous juge,
le for extérieur, les institutions, juges et tribunaux.
De bon aloiSens moderne : de bonne qualité.
Sens
ancien : Une pièce d'or ou d'argent devait être de bon "aloi". Ce mot
provient en fait du verbe "aloyer", forme ancienne du verbe "allier" :
l'aloi est donc l'alliage d'une pièce, c'est à dire la proportion de
métal précieux qu'on y retrouve. À l'époque médiévale chaque seigneur
pouvait frapper monnaie et pour s'assurer qu'une pièce était "de bon
aloi", on pouvait la faire "sonner" sur une surface dure : le son rendu
permettait au banquier de distinguer une fausse pièce d'une vraie. Mais
beaucoup plus sûr était l'usage du "trébuchet", petite balance de
précision pour peser les monnaies. D'où l'expression "espèces sonnantes
et trébuchantes".
Découvrir le pot aux rosesSens : découvrir le fin mot de l'histoire, le secret, la réalité cachée.
Expression très ancienne dont on ne connaît pas la véritable histoire.
Soit
pot à fard à joues : Le trouver suppose qu'on connaisse bien la femme
qui le possède et qu'elle n'ait plus de secret à cacher.
Soit essence
de rose - produit rare et précieux dont les parfumeurs auraient
soigneusement dissimulé les procédés de fabrication. Le pot aux roses
serait l'appareil permettant de distiller ce parfum de luxe.
Soit une
poudre produite par les alchimistes au cours de l'une de leurs
opérations. Ici, le pot aux roses serait la cornue alchimique, objet
bien caché s'il en fut.
D'estoc et de tailleSens : De la pointe (estoc) ou du tranchant (taille ou taillant), c'est-à-dire en se battant.
Frapper
d'estoc et de taille signifiait donc se battre avec acharnement, en
portant tous les coups possibles. En moyen français, l'expression fut
utilisée de manière imagée, parfois en dehors de tout contexte
belliqueux, pour dire de quelque manière que ce soit, par tous les
moyens.
Dieu reconnaîtra les siensLors
de la croisade contre les cathares, des hérétiques du sud de la France,
le légat du pape Arnaud Amaury se présente devant Béziers le 22 juillet
1209., L'assaut est donné par l'armée. La ville tombe et Arnaud Amaury
commande à ses hommes, qui ne savaient comment reconnaître les bons
chrétiens des hérétiques : "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !"
Mot historique devenu proverbe, on l'emploie chaque fois qu'un châtiment frappe indifféremment innocents et coupables.
Élevé sur le pavoisSens : mettre sur le trône, désigner comme roi et au sens figuré, mettre en honneur, faire grand cas de quelque chose.
Allusion
aux Francs qui avaient coutume, après avoir choisi leurs rois, de les
porter en triomphe sur de larges boucliers, appelés pavois.
Pavois vient de Pavie, en Italie, ville où auraient été fabriqués les premiers de ces boucliers.
Entrer en liceSens : s'apprêter à combattre, s'engager dans une compétition, intervenir dans un débat.
Les
lices étaient les espaces clos où avaient lieu les tournois à proximité
des châteaux. La cour intérieure de ceux-ci était souvent exiguë et
toujours encombrée de petits bâtiments: écuries, chenil, four, puits...
Espèces sonnantes et trébuchantesAu
Moyen Âge, l'aloi était la proportion d'or ou d'argent contenue dans
une pièce de monnaie. Aujourd'hui, de bon ou de mauvais aloi signifie de
bonne ou de mauvaise qualité.
Lorsqu'elles sonnaient, elles étaient
de bon aloi car elles rendaient un son vif et plaisant; trébuchantes,
parce qu'on pouvait en vérifier le poids à l'aide d'une petite balance
encore appelée trébuchet.
Etre grand clercSens : être très savant, lettré.
Les
membres du clergé étaient les seuls, ou presque, à posséder le savoir.
Ils consultaient les manuscrits conservés dans les monastères. Les
écoles se trouvaient dans les abbayes et pour s'instruire, il fallait
bien souvent entrer dans les ordres.
Beaucoup de clercs se mariaient
et n'entretenaient avec l'Église que des rapports lointains. Ils
portaient la tonsure, signe de leur état.
Au XVIIe siècle, le mot clerc se teinte d'ironie, et l'expression être grand clerc signifie : un homme qui fait le savant.
Etre sur la selletteSens : être exposé au jugement d'autrui, à la critique ou se trouver en position délicate.
La
sellette était le petit banc de bois sur lequel s'asseyait l'accusé
interrogé par ses juges. Le siège était très bas pour des raisons
psychologiques et symboliques. L'accusé se trouvait dans une posture
tout à la fois inconfortable et humiliante.
Faire amende honorableSens : présenter ses excuses, reconnaître qu'on a eu tort.
Au
Moyen Âge, à l'époque où peu de gens savaient écrire tout entente se
joue sur la parole donnée, sur l'honneur engagé, bref la réputation.
Ainsi celui qui commet un crime, manque à sa parole envers son Dieu, son
pays, son roi, doit rétablir son honneur en tout premier lieu en
amendant celle-ci. Amende honorable prends donc sens de laver son nom en
avouant la vérité et demandant pardon à tous. Une faute avouée étant à
moitié pardonnée, l'amende honorable pouvait être accompagnée de
châtiments publics afin qu'ils servent d'exemples. Les hérétiques ou
ceux qui étaient accusés de sorcellerie, étaient condamnés à reconnaître
solennellement leurs fautes "faire amende honorable" avant d'être brulé
vif. Avec le temps laver son honneur devint moins à la mode et on ne
conserva que l'amende moins honorable, c'est-à-dire celle qui est
pécuniaire.
Faire bonne chièreSens : bien manger.
En
ancien français, chière désignait le visage. Faire bonne chière
devenait donc faire bonne mine à quelqu'un, l'accueillir aimablement.
Faire des gorges chaudesSens : se moquer méchamment, avec joie et devant beaucoup de gens.
Au Moyen Âge, les gorges chaudes étaient les petits animaux (souris, mulots) que l'on donnait vivants à l'oiseau de proie.
Faire grèveSens : Cesser volontairement le travail pour obtenir des avantages.
A
Paris, les ouvriers sans travail se réunissaient sur la place de Grève,
le long de la Seine et attendaient une éventuelle offre d'embauche.
Faire la nique àSens : se moquer de quelqu'un, le narguer.
Au Moyen Âge, nique indiquait un signe de mépris qui consistait à lever le nez en l'air avec impertinence.
S'en fout** comme en l'an quaranteSens : Considérer une chose ou un événement comme sans importance et en sourire.
Cette
expression tire probablement son origine d'une expression utilisée
depuis les Croisades : "S'en moquer comme de l'Alcoran (le Coran)".
Autre explication, la fin du monde aurait été prévue pour l'an 1040.
Cette date fatale passée, les gens ne firent qu'en rire et se moquèrent
de leurs anciennes angoisses.
Faire le JacquesSens : se conduire stupidement, faire l'idiot.
Jacques
était le nom donné à l'idiot du village et Jacques Bonhomme, celui du
paysan, considéré traditionnellement comme lourd et nigaud. L'expression
fait donc aussi allusion à la prétendue bêtise des paysans.
Faire RipailleSens : faire bonne chère, mener joyeuse vie.
Avant
de devenir pape en 1439, le duc de Savoie Amédée VIII s'était retiré au
prieuré de Ripaille pour se faire ermite. Lui et ceux des seigneurs de
sa cour qui l'avaient suivi n,avaient d'ermite que le nom, car ils
négligèrent complètement, pendant tout le temps de leur résidence, de se
livrer aux austérités du cloître. Tous ceux qui étaient admis dans ce
séjour de plaisirs, disent les biographes, étaient logés avec
magnificence ; les mets les plus exquis couvraient leur table : ils
vivaient plus en honnêtes épicuriens qu'en véritables ermites. Ils
portaient néanmoins ce nom, parce qu'ils avaient exclu les femmes de
leur société et qu'ils laissaient croître leur barbe comme les capucins.
Leur habit était moins rude que celui de ces religieux ; c'était un
drap gris très-fin, un bonnet d'écarlate, une ceinture d'or et une croix
au cou de la même matière. Amédée jouissait d'un repos voluptueux dans
cette maison de délices et de mets princiers faisant ainsi bombance et
bonne ripaille.
Gagner ses éperonsObtenir une situation plus élevée, prendre du galon.
Lors
de son adoubement, le nouveau chevalier recevait les armes, signes de
son état : l'épée et les éperons symboles de son rôle de guide et de
chef.
GarnementA
l'origine, garnement signifie tout ce qui peut offrir une protection :
vêtement, équipement et même forteresse. A la fin du Moyen Age, le mot
évolue dans le sens de souteneur. Aujourd'hui, de mauvais garçon, le
garnement désigne maintenant un enfant, un adolescent. On connait
surtout l'expression dans méchant garnement.
Graisser la patteSens : donner illégalement de l'argent à quelqu'un pour obtenir quelque chose.
Un gringaletSens : homme ou garçon un peu chétif.
Ce mot viendrait d'un vieux mot suisse signifiant "minus, demi-portion".
Jeter aux oubliettesLes
oubliettes étaient les cachots souvent aménagés dans le sous-sol des
donjons. Les seigneurs peu scrupuleux oubliaient parfois ceux dont ils
voulaient se débarrasser.
Aujourd'hui, on jette aux oubliettes les projets de réformes ou les bonnes résolutions qui ne voient jamais le jour.
Jeter le gantAu
Moyen Âge, le gant avait une forte valeur symbolique. Il représentait
le seigneur lui-même et son pouvoir. Le vassal remettait en signe
d'hommage son gant droit à son suzerain. Un chevalier qui en défiait un
autre au combat lui jetait son gant. Le relever signifiait que l'on
acceptait de se battre. Aujourd'hui, l'expression signifie lancer,
accepter un défi.
Jugement de DieuAu
Moyen-Age, quand les lois n'étaient pas toujours claires, les juges pas
toujours intègres et les moyens d'exécution pas toujours efficaces, on
s'en remettait souvent au "Jugement de Dieu".
L'accusé pouvait, par
exemple être tenu de tremper la main dans l'huile bouillante en jurant
qu'il était innocent, tout en devant la ressortir intacte. Ou encore,
les parties pouvaient régler leur différend dans un combat à la lance ou
en chevalerie. Dieu alors était supposé prendre fait et cause pour la
justice et faire triompher celui qui avait raison.
Jurer comme un templierSacrer comme un chartier ou comme un templier.
L'ordre
des Templiers fut fondé au XIIe siècle pour assurer la garde des lieux
saints et la protection des pèlerins. Les chevaliers du Temple étaient
des moines-soldats. Néanmoins, les mœurs militaires semblent l'avoir
emporté sur les vertus monastiques.
L'ordre des Templiers devint aux
XIIIe et XlVe siècles si riche et si puissant qu'il suscita bien des
jalousies. En particulier celle du roi Philippe le Bel, qui fit abolir
et disperser l'ordre.
Laid comme les sept péchés capitaux
Les sept péchés capitaux sont l'orgueil, l'avarice, l'envie, la
gourmandise, la luxure, la colère et la paresse ainsi nommés parce que
sources de tous les autres péchés. Ils étaient souvent représentés par
des figures contrefaites sur les murs des cathédrales.
L'habit ne fait pas le moineUn des plus anciens proverbes de la langue française.
Sens : il ne faut pas se fier aux apparences qui sont souvent trompeuses.
Les
gens du Moyen Âge avaient horreur du mensonge et de l'hypocrisie.
Chacun devait avoir l'air de ce qu'il était vraiment. Les costumes
indiquaient de façon précise le rang social de chacun. Les femmes ne
pouvaient porter des vêtements d'homme, vice et versa.
Les loups-garousPrésents
déjà dans l'Antiquité, (voir Pétrone et son Satiricon), la croyance
arriva jusqu'au Moyen Âge et se répandit d'autant plus que les loups
devinrent très nombreux. Les versipelles prirent le nom de loups-garous,
garou signifiant à lui seul homme-loup. Il apparaît dans de nombreux
contes modernes, signataire d'un pacte avec le diable, et profitant de
l'impunité que lui assure son apparence animale pour assouvir ses
mauvais instincts.
Malin comme un singeAu
Moyen Âge, malin signifiait "mauvais, méchant", c'était, comme
aujourd'hui encore, un des noms du diable. Le singe que l'on trouvait
très laid passait pour un animal diabolique. Vers la fin du XVIIIe
siècle, l'adjectif malin prit le sens que nous lui connaissons :
astucieux, futé, réhabilitant ainsi les pauvres singes.
Un méchant garnementA
l'origine, garnement signifie tout ce qui peut offrir une protection :
vêtement, équipement et même forteresse. A la fin du Moyen Âge, le mot
évolue dans le sens de souteneur. Aujourd'hui, de mauvais garçon, le
garnement désigne maintenant un enfant, un adolescent.
MerciAu Moyen Âge, merci signifiait "grâce, pitié" de là les expressions :
Crier, demander merci - le chevalier vaincu reconnaissait sa défaite et implorait la pitié du vainqueur.
Être
à la merci de: être au pouvoir de quelqu'un de telle manière qu'il soit
libre de vous accorder sa grâce ou de vous la refuser.
Dieu merci! : par la grâce, la faveur de Dieu.
Sans merci : impitoyable (littéralement : sans que l'un des partis en présence puisse demander merci).
Mettre Flamberge au ventInvitation
ironique à tirer l'épée et à se jeter dans la bataille sans réfléchir. À
l'époque des chansons de geste, il y avait quatre vaillants chevaliers :
les Quatre Fils Aymon. L'aîné des quatre frères s'appelait Renaud de
Montauban. Il possédait une épée prestigieuse, Froberge, aussi
redoutable que Durandal, celle de Roland. Au cours des siècles, le nom
de Froberge devint un nom commun et s'altéra en flamberge, sans doute
sous l'influence des mots flamme, flamboyer, etc. L'expression n'est
plus utilisée aujourd'hui qu'ironiquement principalement pour se moquer
des démonstrations spectaculaires d'héroïsme.
Mettre la tableExpression
quotidienne qui nous est familière mais incorrecte. Il faudrait dire
"mettre le couvert", puisque nos tables ne voyagent plus dans la maison.
Au Moyen Âge, les pièces n'avaient pas, comme aujourd'hui, des
fonctions très distinctes et la même salle pouvait servir de pièce
commune, de salle à manger et de chambre. Aussi, le plus souvent, on "
mettait la table " à l'heure des repas, c'est-à-dire que l'on apportait
une grande planche et des tréteaux. D'où l'usage, chez les seigneurs, de
belles nappes destinées à cacher la pauvreté du mobilier.
Mettre en rang d'OignonSens : plusieurs personnes qui sont rangées sur une même ligne.
Rien
à voir avec le jardinage et avec les plants d'oignons soigneusement
rangés ! L'expression vient en fait d'un grand maître de cérémonies à la
cour de Henri II de Valois, Artus de la Fontaine Solaro, baron d'Oignon
et seigneur de Vaumoise, qui assignait leurs places aux seigneurs. Il
avait coutume de s'écrier : "serrez vos rangs, Messieurs, serrez vos
rangs"... et les seigneurs de se moquer des rangs d'Oignon.
Mettre sa main au feuAffirmer
énergiquement quelque chose, au point d'y risquer sa main rappelant les
lointains jugements de Dieu de l'époque médiévale. Lorsqu'un accusé ne
pouvait faire la preuve de son innocence, il pouvait être plongé dans
l'eau, pieds et poings liés. S'il surnageait, c'était que l'eau -
élément pur et béni de Dieu - le rejetait. S'il coulait comme une
pierre, il était innocent... mais parfois noyé! On pouvait également lui
plonger la main dans l'eau bouillante, ou le faire saisir un fer rouge.
Innocent, Dieu le protégeait et il sortait indemne de l'épreuve. Le
plus souvent, il suffisait que la victime guérisse vite ou survive
quelques jours pour qu'elle soit - un peu tard! - innocentée.
D'un
air à la fois satisfait et mécontent ou à la fois sérieux et plaisant. A
l'origine, il devait s'agir de "mêlé de bon et de mauvais".
Monter sur ses grands chevauxSe mettre en colère et parler avec autorité, prétention. C'et être prêt à se faire faire raison avec l'épée et la lance.
Partir en croisadeLe
Moyen Âge a vu de nombreuses croisades, les départs furent presque
ininterrompus pendant plus de deux siècles. Une foule immense, composées
de chevaliers et d'hommes de guerre, d'artisans, de paysans, de moines
et de pèlerins de toutes conditions se mirent en route, poussées par la
foi et l'enthousiasme. Parfois aussi par l'attrait du pillage!
Aujourd'hui, ceux qui partent en croisade n'ont plus à parcourir des
milliers de kilomètres. Mais il leur faut souvent beaucoup de courage
pour se lancer dans des luttes difficiles en faveur de causes justes.
Les journaux parlent ainsi souvent, d'une manière à peine imagée, de
croisades contre la drogue ou contre la misère.
Payer en monnaie de singeJadis,
le pont qui relie l'île de la Cité à la rue Saint-Jacques, dit Petit
Pont (il porte encore ce nom aujourd'hui), était payant. Mais les
jongleurs qui exhibaient des singes savants étaient dispensés du péage à
condition qu'ils fassent leur numéro devant le péager. Aujourd'hui,
payer en monnaie de singe (on dit aussi payer en gambades) signifie
payer en plaisanteries et grimaces, payer de paroles, voire en fausse
monnaie. La réputation du singe, habile imitateur de l'homme, n'est sans
doute pas étrangère à ce dernier sens.
Pays de cocagneL'ordinaire
des repas au Moyen Âge se compose souvent de pain, de légumes. Même le
porc reste un luxe réservé aux grandes occasions. Seuls les seigneurs et
les bourgeois goûtent aux viandes rôties, aux plats en sauce richement
épicés, aux sucreries. Le pays dénommé Cocagne était celui où chacun
aurait eu de tout en abondance.
Pile ou faceSous
le règne de Saint-Louis, on comptait encore dans le royaume plus de
quatre-vingts seigneurs particuliers qui avaient le droit de battre
monnaie. Mais il n'y avait que le roi qui eut le droit de faire frapper
des pièces d'or ou d'argent. Sur l'une des faces de la monnaie royale,
il y avait une croix, et sur l'autre, des piliers, ce qui a fait que,
longtemps, les côtés des monnaies se sont nommées croix ou pile. Par la
suite, les rois français décidèrent de faire figurer leur propre face à
la place de la croix, et leurs armes et la valeur de la pièce de
l'autre. Mais le mot pile est resté pour un côté et face pour l'autre.
Pleuvoir des hallebardesL'expression,
à défaut d'eau, a fait couler beaucoup d'encre! On croyait jadis que la
forme et la trajectoire de grosses gouttes de pluie avaient pu évoquer
ces longues armes de la fin du Moyen Âge que sont les hallebardes. Il
existe cependant une autre piste, plus savante. Au XVIe siècle, en
argot, le mot "lance" désignait l'eau. De la lance à la hallebarde, il
n'y avait qu'un pas qui fut peut-être franchi, un jour de pluie, par un
pertuisanier facétieux.
Une poire d'AngoisseL'objet
était à l'origine une poire de fer que l'on introduisait dans la bouche
d'un prisonnier pour l'empêcher de parler. Mais cette sorte de bâillon,
qui maintenait très écartées les mâchoires de la victime, était en fait
un véritable instrument de torture et les malheureux étaient donc
forcés d'obéir s'ils voulaient être délivrés et ne pas mourir de faim.
De nos jours, heureusement, les poires d'angoisse ne sont plus utilisées
que sous la forme d'image pour désigner de vives contrariétés.
La pomme d'AdamAdam
put résister à la tentation et mordit goulûment dans le fruit de
l'Arbre du Bien et du Mal. Un morceau lui en resta en travers du gosier,
et l'on peut encore le voir aujourd'hui chez tous ses descendants :
c'est la pomme d'Adam, appelée de nos jours saillie du cartilage
thyroïde.
Pousser des cris de MélusineMélusine,
comme toutes les fées, était d'une rare beauté, mais avait été
condamnée, à la suite d'une terrible malédiction, à se transformer en
serpente tous les samedis. Elle voulut néanmoins vivre la vie et les
bonheurs d'une simple mortelle et pour cela offrit sa main à Raimondin,
un jeune chevalier du Poitou. A ce mariage, la fée ne posa qu'une
condition: jamais son époux ne chercherait à la voir le samedi.
Raimondin consentit à tout et le mariage fut célébré. Très vite,
Mélusine apporta à son mari une immense prospérité, elle fit construire
de superbes châteaux et lui donna dix fils. Tout allait pour le mieux
entre les époux, bien qu'après de nombreuses années l'inévitable se fût
produit. Poussé par la curiosité, Raimondin avait épié sa femme et
surpris son secret. Mais il avait gardé le silence et Mélusine feignait
d'ignorer son indiscrétion. Or, un jour, un des fils de Mélusine et de
Raimondin, Fromont, voulut devenir moine. Cette décision rendit furieux
son frère Geoffroi à la Grande Dent (ainsi nommé car l'une de ses dents
était démesurée, le faisant ressembler à un sanglier). Il mit le feu au
monastère, faisant ainsi périr Fromont et de très nombreux moines. La
douleur de Raimondin n'eut d'égale que sa colère. Quand Mélusine apparut
dans la grande salle du donjon, en larmes, devant tous leurs vassaux,
il la traita de sale serpente, de qui rien ne pouvait sortir que de
mauvais. L'interdit était violé. Dans la consternation générale, la fée
reprit aussitôt sa forme surnaturelle et disparut en poussant des cris
lamentables. Elle ne revint jamais. Mais à Lusignan, dans le Poitou, on
raconte qu'à chaque fois qu'un malheur allait frapper sa famille,
Mélusine l'annonçait par ses cris. Des cris de Mélusine sont donc des
cris perçants, semblables à ceux que pousse la fée quand elle revient
hanter son château.
Prendre des vessies pour des lanternesQuoique
de forme voisine, une lanterne et une vessie sont néanmoins des objets
fort différents et les confondre est depuis longtemps considéré comme la
pire des méprises. (Les vessies dont il est question ici sont des
vessies de porc: gonflées d'air, elles pouvaient servir de ballons ou
bien, vides, de sacs étanches.) L'expression est ancienne, puisqu'on la
trouve dès le XIIIe siècle. Il s'agissait d'un calembour : en ancien
français, vessie et lanterne avaient à peu près le même sens figuré :
une lanterne était un conte à dormir debout et une vessie une chose
creuse, une bagatelle. La sottise de celui qui prend des vessies pour
des lanternes n'est donc pas de confondre deux objets très différents,
mais d'accepter une ânerie plutôt qu'une autre !
Promettre monts et merveillesFaire
des promesses mirifiques. Au cours du temps, on a dit aussi promettre
la lune, chiens et oiseaux, plus de beurre que de pain... L'origine de
cette expression n'est pas anecdotique. Aucun conquérant n'a jamais
promis à ses troupes de merveilleux royaumes au-delà des monts. Comme le
fit le général carthaginois Hannibal, qui fit espérer à ses soldats, du
haut des Alpes, la possession de Rome. On disait, au Moyen Âge, de
quelqu'un qui promettait monts et merveilles, qu'il promettait les monts
et les vaux (c'est-à-dire les vallées). Dans la suite des temps, par un
goût pour la répétition, typique de l'ancien français, l'image a été
oubliée et les merveilles ont pris la place des vaux, renforçant ainsi
le sens du mot mont, au lieu de le compléter comme précédemment.
L'ancien français adorait ces couples de mots, de sonorités voisines et
de sens proches. Curieusement, beaucoup nous sont parvenus: bel et bien,
sain et sauf, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, tout feu tout
flamme...
Prud'hommes et prudesDe
nos jours, le prud'homme est membre d'un tribunal constitué de
représentants des salariés et des employeurs et chargé de régler les
conflits du travail. Le mot avait jadis une signification bien plus
large. Un prud'homme était un homme preux, c'est-à-dire plein de valeur.
Mais cette valeur n'était pas seulement militaire. Un ermite pieux, un
bourgeois honnête et avisé, un vieux et sage chevalier étaient des
prud'hommes. Un chevalier courageux mais écervelé ne méritait pas ce
titre. L'équivalent féminin du prud'homme était la prudefemme.
Qui va à la chasse perd sa placeLa
"chasse" est un point particulier du jeu de paume. Lorsque cette chasse
est obtenue les joueurs changent de côté. Le joueur au service... "perd
sa place" favorable. L'origine de cette expression ayant été oubliée,
elle a pris par la suite le sens qu'on lui connait.
RenardAu
début du Moyen Âge, le petit animal roux que nous connaissons sous le
nom de renard s'appelait encore goupil, du latin vulpes.
Or vers 1170
- 1180, commencèrent à paraître des récits racontant les aventures d'un
certain Renart, goupil de son état. Ce Renart était un petit baron,
sujet du roi Noble, le lion, et parent du loup Ysengrin. Chétif et menu,
il compensait sa faiblesse physique par une ruse quasi démoniaque. Il
n'y avait pas d'animal qui n'eût à se plaindre de lui! Le roi lui-même
était sa victime, mais son souffre-douleur favori restait le gros et
fort Ysengrin.
Une fois, Renart exigea sa peau pour réchauffer le roi
malade. Une autre fois, il le fit pêcher dans un étang gelé où le
pauvre loup laissa sa queue. Une autre fois encore, il le fit tomber
dans un puits. Bref, il le trompait, l'humiliait de toutes les manières.
Et Renart, comme nos héros modernes, sortait toujours vivant des
situations les plus délicates.
Le succès du Roman de Renart fut
immense. Du XVe siècle à la fin du Moyen Âge, chacun se délecta des
méchants tours du goupil. Les paysans se racontaient ses aventures à la
veillée et retrouvaient avec plaisir dans ces récits leur vie
quotidienne. Les seigneurs écoutaient les mêmes contes de la bouche des
jongleurs qui allaient de château en château. Et les plus savants, les
clercs, lisaient eux-mêmes dans les manuscrits les mille et un tours de
Renart.
La popularité du personnage fut telle que petit à petit tous
les goupils furent appelés Renart (mot que nous écrivons aujourd'hui
avec un "d").
Rester sur le carreauLe
sol d'un jeu de paume était autrefois constitué de carreaux, qui
auraient donné le nom au sol même du jeu. L'expression "rester sur le
carreau" est devenue symbole de la chute de l'adversaire. Soit qu'il
tombe en voulant rattraper la balle, soit simplement qu'il perde la
partie.
Revenons à nos moutonsExpression
que l'on utilise lorsqu'on souhaite ramener au vif du sujet une
conversation qui s'égare. L'expression est empruntée à la Farce de
Maître Pathelin, une comédie du XVe siècle qui connut un très grand
succès.
Rompre une lanceDans
les tournois médiévaux, les combattants s'affrontaient à la lance,
chacun cherchant à désarçonner son adversaire. Celui qui résistait au
choc et brisait contre son écu la lance ennemie marquait un point.
Rompre une lance (on dit aussi rompre des lances) avec quelqu'un
signifie donc lutter contre lui, l'affronter dans une joute (encore un
mot du Moyen Age!), de nos jours souvent purement oratoire.
Revenons la pailleRompre
un marché, un accord, se brouiller avec quelqu'un. L'expression est
issue du droit féodal et rappelle une coutume très ancienne. Quand un
suzerain cédait une terre, ou que quelqu'un vendait un bien quelconque,
le vassal ou l'acheteur recevait un fétu de paille en signe de l'accord
conclu. La rupture du gage symbolisait celle de l'accord, et le
mécontent rompait alors la paille comme il déchire aujourd'hui le
contrat.